LA QUESTION DU STYLE EN ILLUSTRATION

 

Pour paraphraser un grand styliste, longtemps je me suis couché de bonne heure… mais hélas je ne m’endormais pas car je me posais la question du style. Je parle du style en illustration bien sûr. J’ai cogité une bonne quinzaine d’années sur la question, avant d’avoir eu, il y a quelques semaines, une sorte de révélation ; lève-toi et marche, Clod !

J’ai toujours su, qu’il fallait avoir un style graphique suffisamment marqué, pour se distinguer des autres illustrateurs afin que l’on se dise en voyant une de mes illustrations : « Ah ça, c’est du Clod ! » Donc, dès le début j’ai bossé mon style. Mais alors, quel style choisir ?

Au tout début, je me suis engagé vers l’expressionisme (allemand tant qu’à faire dans le fort). Parfait pour exprimer ses angoisses, moins pour présenter à une agence de com’. Je vous passe ensuite les évolutions graphiques, les cogitations stylistiques et les crises artistico-existentielles qui m’ont conduit à ce style que j’appelle le Néorétro, ambiance Trente Glorieuses, vous voyez le genre ? Entre parenthèses, style dont je tends à m’éloigner depuis quelques temps.

Clod illustration pour Capital

C’est alors que s’est posée une nouvelle question. Dans ma petite tête d’illustrateur penché sur sa Cintiq, je pensais que choisir un style revenait aussi à choisir avec qui travailler. Je m’explique : pour faire court, il y a des styles graphiques destinés à un public jeunesse, d’autres plus adaptés à des sujets d’actualité sérieux et tout ce qu’il y a entre les deux. Je me disais : « Soit tu fais dans la presse féminine, soit tu fais dans la com’ entreprise, soit tu fais dans la jeunesse… etc. Mais, arrête de t’éparpiller et CHOISIS ton style !!! »

Mais choisir m’obligerait à renoncer à un certain nombre de mes boulots actuels. Entre mes illustrations pour le Parisien et celles pour l’Imagerie d’Epinal, il y a un monde. D’ailleurs, comment se fait-il que mes illustrations conviennent pour des supports si différents ? Comment, est-ce possible que le matin on me demande d’illustrer un article sur un réseau de pédophiles pour un grand quotidien, que l’après-midi j’illustre une lettre pour un produit du Crédit Agricole et que le soir je conçoive une couverture pour un roman jeunesse chez Milan ?

J’en étais là de mes cogitations quand un client m’a fait une remarque à propos d’une de mes illustrations : « Comment se fait-il qu’on ait toujours envie de plonger les yeux fermés dans tes illustrations ? » C’est à ce moment précis que j’ai compris qu’au-delà du style graphique à proprement parler, quelque chose se dégageait de mes illustrations, quelque chose qui s’apparente à de la poésie, à une petite naïveté positive, à une fraicheur plaisante. Et que l’on soit à la rédaction d’un quotidien, responsable communication d’une grande banque ou éditeur jeunesse, peu importe mon style, c’est cela que l’on vient chercher.Finalement, le style est une belle maison d’architecte, elle peut être parfaite d’un point de vue esthétique, mais tant qu’elle reste inhabitée elle ne vaut rien.

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