ILLUSTRATEUR À PLEIN TEMPS
Quand je me balade en vélo, quand je cuisine ou quand j’achète une paire de chaussures, je suis illustrateur. Dis comme ça, c’est un peu bizarre, je vous l’accorde. Mais je suis sérieux ! Certains métiers se vivent à 100%. L’illustration en est un, en tout cas pour moi. Cela signifie pas qu’il ne reste plus de place pour le reste bien sûr, heureusement que je ne vis pas seulement pour mon métier. Non, je veux dire qu’en tant que créateur d’images, je porte un regard particulier sur tout ce que je fais, tout ce qui l’entoure et j’ai une certaine idée du mode de vie qui convient bien à ma créativité. C’est ce j’appelle être illustrateur à plein temps.
Je suis illustrateur quand j’explore les villes
J’aime les villes, les grandes villes. Elles sont pour moi une source inépuisable d’inspiration. Les couleurs, les typographies, la forme des constructions, la signalétique... New York, Madrid, Londres, Berlin, Istanbul, pour celles que j’ai eu la chance de visiter, et puis Paris, que j’aime par-dessus tout. Mais en s’écartant un peu des grands centres, il y a les périphéries, la banlieue, et particulièrement celle où je vis en Seine-Saint-Denis, en bordure de Paris. Dans les périphéries, pas de menteries et pas de faux décors, la « vraie » ville s’expose. C’est là que je dégotte de belles perles graphiques. Otez-vous de la tête toute idée de « beau ». Ce qui m’inspire ne relève pas du beau au sens commun du terme ; la texture d’un mur décrépi ou lézardé, une composition architecturale hasardeuse, une affiche déchirée ou taguée, la juxtaposition improbable de deux couleurs, la typo sur une vieille plaque rongée par la rouille, ou encore une tache sur le trottoir sont autant d’objets d'attention pour moi. Faut-il explorer la banlieue dans ses moindres recoins pour tomber sur ces petits riens dans lesquels je puise mon inspiration ? Je traverse à vélo les villes comme d’autres visitent des musées et de temps en temps, je vais quand même claquer la bise à la Joconde. Pourquoi s’en priver ?
Je suis illustrateur quand je cuisine
Je cuisine comme je dessine. C’est à dire, en autodidacte, mais pas seulement. Je ne suis pas de recette. Je connais bien les bases de la cuisine et les modes de cuisson, et à partir de là, j’y vais à l’inspiration. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas la blanquette parfaite cuisinée à partir du livre Les bonnes recettes de la Mère Jeanne, mais « l’idée de la blanquette ». Qu’on puisse dire en la dégustant : « elle est bonne ta blanquette, mon pote ! » A y regarder de plus près, mes illustrations ne représentent pas non plus fidèlement la réalité, mais une idée de la réalité. Les éléments qui composent une illustration de Paris, donnent l’impression qu’on est à Paris. Je crée ainsi l’illusion dans laquelle le lecteur de mon image peut à loisir se plonger en fantasmant la réalité. Pour cette raison, j’évite le plus possible d’utiliser de la documentation, tout comme je n’utilise pas de recette pour cuisiner. Je vous parlerais bien volontiers de l’aspect graphique de ce que je cuisine, des formes et des couleurs, mais j’ai à cœur de garder secret mes recettes.
Je suis illustrateur quand j’achète une paire de chaussure
Sympa ce modèle en vitrine ! Ce n'est pas une paire de chaussures à la mode, ni un modèle que je serais le seul à porter. Le design de la chaussure attire surtout mon attention. J’ai besoin de sentir que derrière ce modèle exposé en vitrine, il y a un vrai travail de design, que des gens dont c’est le métier se sont cassés la tête pour que le modèle soit simple et élégant, on pourrait presque dire graphique. Oui c’est ça, j’ai besoin de sentir que le modèle est graphique. Là où l’on aurait pu se contenter d’un cuir lisse et noir, on a préféré choisir un cuir avec un certain grain et patiné. Ou le contraire, à condition que l’association avec la bande caoutchouteuse blanche qui entoure la chaussure à sa base soit du meilleurs goût. Je cherche dans la finition la preuve que le modèle a été réfléchi dans ses moindres détails. Et puis bien sûr le confort de la chaussure qui souvent a été tout aussi bien pensé que son design. Il en va de la paire de chaussure, comme de tout ce que je produis en illustration. Je suis attentif au moindre détail, j’ai envie de séduire avec mes illustrations, comme j’ai envie d’être séduit par la paire de chaussures qui me fait de l’œil en vitrine.
Bon c’est vrai, je pousse un peu loin les associations d’idées dans ces exemples. Mais pas tant que ça au fond, car finalement, tout se passe assez naturellement pour moi. Alors quand j’ai fini de cuisiner, je chausse ma nouvelle paire de chaussures, j’enfourche mon vélo et pars faire un safari graphique dans les rues, en quête du détail que personne ne remarque et qui sera à l’origine de ma prochaine illustration. En somme, je suis illustrateur à plein temps.
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