Rester dans le coup

En principe, la question de savoir comment rester dans le coup ne peut intéresser que les créatifs installés dans le métier depuis belle lurette. Mais comme tout va très vite en ce monde, ça vaut le coup d’y réfléchir avant de se réveiller, un beau matin, à la ramasse. Évidemment, si j’avais la réponse à cette question, je ne serais pas là en train vous la livrer sur un plateau, je me ferais super coach et je la vendrais chère à tous ceux qui désirent vivre longtemps de leur créativité. Comment rester dans le coup ? J’ai quelques pistes à vous soumettre en toute fausse modestie.

Clod illustration blog l'illustrateur vu de l'intérieur : Rester dans le coup

Rester dans le coup de quoi me direz-vous ! Est-ce que la créativité a besoin de rester dans le coup ? On est créatif ou on ne l’est pas. C’est ce que je me dis pour me rassurer quand la trouille m’empêche de penser un peu plus loin. Les technologies évoluent à la vitesse de la lumière, les modes et les tendances nous incitent à revoir nos propres goûts, les combats sociétaux bousculent nos idées (reçues) et le temps nous échappe. On a du mal à suivre en vérité ! Il ne s’agit plus de se laisser porter par l’escalier mécanique, il faut encore monter les marches pour accélérer le rythme si l’on veut rester dans coup. L’illustrateur se doit d’être le témoin de son époque. Rester dans le coup, signifie d’être au fait des derniers logiciels de création graphique, d’être à l’affut des nouveaux outils de promotion, des changements technologiques, d’être informé des nouvelles tendances graphiques et artistiques, des nouvelles façons de travailler, des questions de société… etc. Une liste longue comme le bras qui s’allooOOOoonge au fur et à mesure que l’on avance dans sa carrière.

La question me préoccupe régulièrement ; la peur de me retrouver un jour sans boulot, complètement dépassé, dans un monde que je ne comprends plus. Par exemple, au printemps dernier, il ne vous a pas échappé qu’Instagram a décidé de favoriser les reels pour sans doute concurrencer Tik Tok (et rester dans le coup). J’ai donc vu, comme la plupart des utilisateurs, mes statistiques divisées par trois. Face à ce changement, deux solutions s’offrent à moi : 1) Je me plie aux règles du réseau social despotique en publiant des vidéos de moi en train de dessiner, de faire des claquettes, ou de poser des bigoudis à mon chien (à moi d’être créatif) ;  2) Je ne cède pas aux sirènes du like et je garde mon audience misérable de chaine de TV sur la vie des poulpes en captivité. Sur ce cas précis, j’ai choisi l’option 2, car après réflexion, je garde en tête que je vends de l’illustration et non pas du spectacle (deux métiers très différents, qui demandent l’un et l’autre beaucoup de temps et de talent). L’avenir nous dira si je suis resté dans le coup ou pas, en tant qu’illustrateur évidemment.

 Je n’ai aucune certitude ! Néanmoins sur l’exemple d’Instagram, qui nous sert de base de réflexion, il est important de retenir, que j’ai fait un choix en toute connaissance de cause. Je connais des illustrateurs qui ont raté le tournant du numérique, raté l’avènement des réseaux sociaux… Plus par hasard que par choix. Certains ne s’en sont jamais relevés. Restons vigilants, restons vigilants ! Il faut savoir s’adapter mais jusqu’à un certain point. Ce point où l’on n’est plus soi-même. Concernant la promotion du travail graphique, il y a eu les rendez-vous avec book sous le bras, puis les mailings, puis les réseaux sociaux, le self marketing, le story telling, le marketing de contenu… etc. Mais qu’on ne me demande pas de me filmer en train de danser la rumba avec un chat car ça ne serait plus moi. Je préfère miser sur un coup de crayon sûr plutôt que sur une chorégraphie incertaine. Et tant pis si je perds des ❤️.

Cet exemple cache en réalité la question fondamentale suivante : est-ce que je vais réussir à décrocher du boulot si je ne cède pas aux injonctions du réseau social ? Et dans ce cas, comment continuer à promouvoir mon travail ? À y réfléchir, je pense qu’Instagram n’est plus l’outil idéal qu’il était pour les illustrateurs. Les professionnels de l’image iront probablement voir ailleurs dès que l’occasion se présentera. Nous avons déjà, pour la plupart d’entre nous, déserté Facebook pour Instagram, rappelez-vous. Où sont les limites entre rester dans le coup, perdre son temps et se perdre complètement ?

Sans compter que, quand le rythme est soutenu, la créativité s’essouffle. Et la capacité à apprendre et à se motiver s’estompe avec le temps. Il faut donc réapprendre à prendre du temps pour se ressourcer. Notons au passage que plus on est tendance artistiquement, plus il est difficile de rester dans le coup. Et quand bien même on trouve la force nécessaire, il y a d’autres questions qui nous guettent au coin du doute ! Est-on encore dans le coup quand on débarque bien après les autres ? Vaut-t-il mieux avoir un train de retard ou dix trains de retard et du coup être complètement à contre-courant, marquant ainsi sa différence ? Que valent des convictions graphiques si on est tout seul à les partager ? Okay, okay, j’arrête…

Résumons mon propos : Une bonne façon de rester dans le coup serait de garder un œil grand ouvert sur le monde en général et sur le monde professionnel en particulier, sans jugement. Puis de faire des choix en toute connaissance de cause, des choix qui peuvent être stratégiques ou conformes à des convictions. Tout en sachant que de rester dans le coup nécessitera probablement une dépense d’énergie, car suivant le choix que l’on fait, il faudra investir, se former, prendre du temps et beaucoup douter. Tout en sachant encore qu’un choix n’est jamais certain. Le pire restant de n’avoir pas senti le vent tourner et de se retrouver un beau matin le bec dans l’eau à patauger avec les canards.

Face à l’accélération du monde, aux dictats algorithmiques, au toujours plus, à titre perso, j’opte pour le moins-mieux : moins de présence sur les réseaux sociaux mais un contenu plus qualitatif, moins d’outils mais une meilleur maîtrise de ceux que j’utilise, favoriser l’écrit plutôt que la vidéo (à peine consommée, déjà oubliée) et enfin toucher peut-être moins de gens mais les toucher mieux. Qui m’aime me suive !

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