L'illustration : une belle occasion de se perdre

La petite histoire que je m’apprête à vous raconter me tient particulièrement à cœur, car elle revient régulièrement pourrir ma vie d’illustrateur. Encore dernièrement, elle m’a laissée à morfle sur le bas-côté de la route. C’est une histoire de chemins, de croisements, de persévérance et d’acharnement. C’est surtout l’histoire d’un illustrateur tellement passionné par son métier qu’il en oublie parfois qu’il est un être humain. C’est mon histoire… Et pour vous ce sera un conte initiatique façon Maître Yoda sur la voie de la sagesse.

L'illustrateur vu de l'intérieur : l'illustration, une belle façon de se perdre

« Sur la grande route que vous avez décidé d’emprunter, il y a une multitude de possibilités : la voie directe - genre autoroute - les chemins de traverse, les grosses côtes bien raides, les petites routes bucoliques… Bref, vous comprenez la métaphore. Ici, il n’y a pas de Google Map pour vous orienter. Non, vous êtes dans la vraie vie, connecté à rien d’autre que vous-même.

Vous imaginez bien, grosso modo, la direction générale à prendre, le sommet à atteindre qui se perd un peu dans les nuages. Mais pour l’instant vous n’en êtes pas encore là, alors vous avancez. Le poids de votre gros sac à dos vous écrase les épaules car vous avez emporté avec vous tout le fatras psy que vous trimballez partout où vous allez, autant dire une tonne. Histoire de ne pas vous décourager, vous vous fixez régulièrement des étapes et chacune d’elles semble vous rapprocher un peu plus de votre but. Il y a les étapes que vous atteignez - c’est l’occasion d’un peu d’égosatisfaction - et celles que vous loupez, car, de temps en temps, vous vous perdez. De toute façon, personne ne sait vraiment où se situent les bonnes étapes et si elles se trouvent sur votre route. Pour tout dire, c’est le grand flou !

Et parmi les étapes, il y a celles que vous avez décidé d’atteindre à tout prix, le plus directement possible. Mais attention, là vous êtes déterminé et vous vous sentez capable de le faire car la passion vous porte. Chaque pas vous projette vers l’avant, vous n’avez qu’une idée en tête : atteindre votre objectif. Vous en oubliez tout le reste. C’est difficile, très difficile ! Vous rencontrez des obstacles, vous tombez, vous suez, mais vous avez la satisfaction d’avancer tout droit vers votre but. Tout ceci se fait au prix d’un énorme effort, d’une douleur physique pénible, d’une souffrance psychologique pas moins pénible. De temps en temps, vous vous faite même doubler par des gens alertes et très en forme – rien de plus pénible ! - Et puis vous n’en pouvez plus, alors vous faites une pause.

Assis au bord de la route, vous voyez alors un petit chemin qui semble prendre la bonne direction, mais vous n’en n’êtes pas sûr, car il se perd dans un enchevêtrement d’arbres. Si vous prenez par là, vous allez sans doute perdre du temps. Voire, vous perdre tout court. D’un autre côté, ce petit chemin à l’air agréable, il traverse peut-être de magnifiques villages et de belles forêts. Peut-être y rencontrerez-vous toute sorte de gens qui nourriront votre inspiration qui vous mènera à une créativité nouvelle. Allez savoir ! »

Ce petit chemin-là n’est pas facile à prendre. Je le croise régulièrement, je le vois bien qui s’écarte gentiment de ma route. Je suis tenté de l’emprunter à chaque fois que, de trop forcer sur la grande route, je suis vidé. Il s’agirait pourtant de faire un pas de côté et de s’y engager.

A trop vouloir atteindre des objectifs petits ou grands, on en perdrait presque le goût de créer et on en vient à se dire qu’il est bon, de temps en temps, de se perdre en cours de route pour mieux se retrouver.

J’ai tiré l’idée de cet article d’une des discussions toujours passionnantes sur notre métier que j’ai avec mon amie illustratrice Lulu la Nantaise.

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