ILLUSTRER UN ARTICLE POUR LE PARISIEN

Travailler pour un grand quotidien tel que le Parisien est une expérience grisante et… stressante. J’adore ça !

Hier, 13h05, alors que je bosse tranquillement sur les illustrations pour un magazine, mon téléphone sonne. L’écran affiche « Le Parisien ». La tension monte d’un coup, tous les voyants sont aux rouges ; l’après-midi sera « Parisienne ».

C’est S., journaliste au Parisien. Il a un sujet « touchy » à illustrer, il me l’envoie par mail : « Science-Po a interrogé les djihadistes en prison pour comprendre le phénomène de radicalisation ». Au fur et à mesure que j’avance dans la lecture de l’article, des images naissent immédiatement dans mon esprit. C’est plutôt bon signe.

13h25, j’accepte le boulot. Je commence à gribouiller dans mon carnet, en tout une vingtaine de petits dessins que moi seul peux comprendre. Je cogite à plein régime.

13h52, je pense avoir trouvé une idée, je saute sur mon Mac pour voir si l’idée fonctionne graphiquement. La tension baisse d’un cran, j’ai une première idée et elle m’a l’air pas trop mal. Je planche immédiatement sur une deuxième idée.

14h25, j’arrive à pondre une seconde idée. Je laisse reposer cinq minutes, le temps de boire un café.

14h30, je regarde une dernière fois les deux esquisses avant de les envoyer au Parisien, incapable d’émettre le moindre jugement de valeur tant je n’ai pas de recul.

14h43, réponse du Parisien, telle quelle : « Banco sur l’idée 2 ». Nos échanges par mails sont courts, directs, sans fioritures, on n’a pas le temps. Ouf ! J’ai toujours peur de ne pas trouver La Bonne Idée. C’est seulement dans quelques semaines que je saurai si l’idée est bonne, si elle fonctionne graphiquement.

15h02, La DA me demande si en plus de l’illustration principale, je peux lui fournir trois vignettes pour animer l’article. La pression remonte à toute berzingue.

17h30, je boucle en couleur l’illustration principale de l’article. Pas le temps de réfléchir, je balance le fichier au Parisien, et commence à réfléchir pour les vignettes. Vue l’heure, je ne soumets même pas les idées aux journalistes, je finalise directement les illustrations. Je marche sur des œufs, mais les gens du Parisien sont souples, ils m’ont toujours fait confiance, avec eux je me sens libre.

17h37, « ok c’est bon ! », l’illustration principale est validée.

18h30, j’envoie les trois vignettes supplémentaires. Cinq minutes après, je reçois la réponde : « OK pour nous ».

18h45, j’ai réalisé quatre illustrations en couleur sur un sujet sensible dans l’après-midi. Je laisse tout en plan et je vais boire une bière au Café Martin, incapable de faire quoi que ce soit d’autre. La bière a le goût du travail accompli. La tension retombe complètement, je suis littéralement lessivé.

Ce matin, je passe acheter l’édition du jour du Parisien. Je feuillette rapidement les pages du quotidien jusqu’à ce que je tombe sur mon illustration. Horreur, je suis déçu comme à chaque fois, je ne vois que les défauts de mon travail. Je ferme rapidement le journal et passe prendre mon café au bistrot. Sur le comptoir, un exemplaire du Parisien est négligemment plié. Vu son état, il a sans doute déjà été beaucoup feuilleté. Un type arrive, commande son café, prend le journal, le parcours rapidement, passe la page où se trouve l’illustration en jetant un œil distrait sur l’article, il ne se doute de rien. Je ferme les yeux et savoure mon café, je suis heureux de faire ce métier.

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